La créativité
avec Guy Aznar
Série #1
Ils ont inventé par erreur ou par accident
Le stimulateur cardiaque, la vitrocéramique, l'iode, l'hélice des bateaux, le téléphone, la vulcanisation, les anxiolytiques…
Wilson Greatbatch. Le stimulateur cardiaque.
A la fin des années 1950, le transistor vient d'être inventé et Greatbatch, professeur à l'université de Buffalo, explore les possibilités offertes par cette nouvelle technologie qui peut assurer deux fonctions : interrupteur ou amplificateur de courant et ouvre la voie à la miniaturisation. La ville de Buffalo a passé commande à Greatbatch d'un oscillateur pour enregistrer les pulsations cardiaques. Dans le montage qu'il a imaginé, il a l'intention d'utiliser un certain type de transistor.
Mais un jour, Greatbatch fait une erreur : il est distrait par un appel téléphonique. Un ami ? un importun ? Il confond une boîte avec une autre et quand il plonge la main, il attrape un autre modèle de transistor. Il ignore son erreur sur le moment et le branche sur l'appareil en cours de montage. Ce faisant : il vient, sans le savoir, d'inventer le premier stimulateur cardiaque…. L'évidence de son erreur lui saute vite aux yeux mais c'est là que l'instinct de l'inventeur intervient : au lieu de jeter le mauvais montage et d'en recommencer un autre (un peu comme Fleming regardant ses essais moisis, ou comme Pasteur regardant ses poules vaccinées), il décide de tirer parti de son erreur : "J'ai regardé la chose avec incrédulité, raconte-t-il, et ensuite j'ai réalisé que c'était exactement ce qu'il fallait pour conduire un cœur".
Le montage qu'il vient de faire par hasard donne naissance à un petit appareil capable de générer un mouvement à la fois irrégulier et rapide tout juste comme celui d'un pouls humain. Avec la trouvaille de Wilson Greatbatch la révolution du pacemaker implantable est en marche. Associé à Willam Chardack, il perfectionne le nouvel appareil pendant deux ans. Puis le 7 Mai 1958, le premier appareillé, encore un peu volumineux, est testé sur un chien. Peu de temps après, Wilson dépose un brevet et, en 1960 il réussit l'implantation de son pacemaker sur un homme. A la fin de l'année, l'appareillage équipe 10 personnes. Aujourd'hui plus de 500.000 pacemakers sont implantés chaque année aux USA, et 30.000 en France. La pose d'un pacemaker se fait désormais sous anesthésie locale et elle est devenue une opération de routine.
Edouard Benedictus. le verre feuilleté.
L'invention commence par un accident. Edouard Benedictus, chimiste, étudie les propriétés de la nitrocellulose. C'est en rangeant un bocal en verre qui avait contenu ce produit que le bocal lui échappe des mains et tombe à terre mais, surprise, sans voler en éclats. Même s'ils sont cassés, les morceaux de verre restent assemblés, comme s'ils étaient collés sur une surface transparente.
Benedictus comprend que le composé de nitrocellulose s'est transformé en une fine couche de plastique qui adhère définitivement au verre.
L'innovation est simple : il s'agit d'un matériau d'un nouveau genre, fabriqué comme un sandwich constitué de deux lames de verre extérieures collées à une lame centrale d'origine organique, sorte de plastique transparent.
Au fil des ans on perfectionne les détails : pression, température d'assemblage, mélanges, solvants, etc.
Benedictus dépose aussitôt un brevet et crée une marque : "Triplex".
Au départ, seules les voitures de luxe sont équipés de "Triplex" puis ce produit devient obligatoire sur tous les véhicules dans la plupart des pays. Georges Clemenceau fut victime d'un attentat manqué le 19 février 1919 à bord de sa limousine. En démontrant l’utilité de ce verre qui n’éclatait pas en morceaux dangereux, mais s’étoilait sous l’impact sans chuter ou projeter d’éclats vulnérants, le chauffeur déclarera alors que Le "pare-brise Triplex m'a sauvé la vie". Cet attentat fit la publicité et la popularité de ce produit alors révolutionnaire.
L’utilisation du verre feuilleté dans le bâtiment fut plus tardive. La première grande réalisation en verre feuilleté en France est la Pyramide du Louvre à Paris.
Bernard Courtois. L'iode.
Pour fabriquer du salpêtre, on lessive des terres contenant du salpêtre. Puis, sur les eaux ainsi obtenues, on fait agir des cendres de bois riches en potasse, ce qui provoque la cristallisation du salpêtre.
Concernant la découverte de l'iode, il existe deux hypothèses :
Selon les uns, c'est en ajoutant accidentellement une trop grande quantité d'acide chlorhydrique à la solution d'extraction de cendre d'algues servant à préparer la potasse nécessaire à l'isolement du salpêtre qu'il provoque un nuage de vapeur violette qui se condense en cristaux d'iode. Selon une autre version, c'est le fait que l'iode des algues corrode ses récipients qui aurait attiré son attention sur cette substance. En effet, il aurait remarqué que les chaudières servant à la préparation du nitrate de soude étaient rapidement perforées. Il en étudie les causes et trouve que le cuivre se combine avec une substance inconnue. Il poursuit ses recherches et obtient un corps simple : l'iode.
Il commence à étudier les propriétés de ce nouveau corps par des combinaisons avec d'autres. L'iode doit son nom en 1813 à Louis Joseph Gay-Lussac, à qui Bernard Courtois a donné des échantillons. Celui-ci la dénomme « iode », de « iodès » qui veut dire « violet » en grec, en raison des vapeurs violettes qu’elle dégage quand on la chauffe.
Dès 1812, Bernard Courtois se penche sur les applications de l'iode à la photographie. Cependant par manque de temps ou d'argent, il en laisse ensuite l'étude à deux chimistes de sa connaissance: Charles-Bernard Desormes et Nicolas Clément qui publient leurs recherches en 1813. Trop occupé par l’exploitation de sa nitrière, Bernard Courtois cesse ses travaux sur l’iode. Il n'avait pas pris le soin de publier sur ce nouveau corps ni de déposer un brevet et il lutte contre la misère, lorsque l'Académie des sciences lui décerne en 1831 un prix de l'Académie des sciences de 6 000 francs pour sa découverte. Malade, ruiné, il reprend ses travaux sur l’opium, mais le temps lui manque pour les mener à bien.
F. Pettit Smith. L'hélice des bateaux
Francis Pettit-Smith depuis son enfance était passionné par la construction des maquettes de navires et s'intéressait à leur propulsion. En 1835, il construisit d'ailleurs un modèle réduit de bateau propulsé par une vis d'Archimède actionnée par un ressort. L'année suivante il prend un brevet pour un système de propulsion de bateaux conçu au moyen "d'une sorte de vis tournante en bois". Aux dires de Smith son hélice "ressemble à un tire- bouchon".
En 1836 il construit un vrai bateau propulsé par son hélice en bois et il fait des démonstrations sur la Tamise.
Un jour, un accident survient, qui vient au secours de l'inventeur : son hélice se brise en deux après avoir heurté un rocher.
Contre toute attente, l'hélice amputée de moitié sur sa longueur propulse le bateau à une vitesse nettement supérieure. Il en construit aussitôt une autre, plus courte et en métal. Il avait inventé l'hélice des bateaux.
Graham Bell. Le téléphone
Bell travaillait pour la Western Union Telegraph qui souhaitait optimiser son réseau télégraphique et il a pour mission de trouver le moyen de transmettre plusieurs dépêches en même temps.
Un jour, au cours des essais avec son collaborateur Watson qui travaillait dans une pièce séparée, celui-ci fait un faux mouvement, il renverse son café et profère un juron que Graham a entendu de manière très audible à distance. Il rappelle son assistant qui était dans l'autre pièce : "Monsieur Watson, venez ici j'ai besoin de vous".
Cette phrase, que l'assistant entend très bien est considérée comme celle de la première communication téléphonique de l'histoire.
Nous sommes le 10 Mars 1876. Graham et son assistant, intrigués par cet incident bricolent aussitôt des émetteurs et des récepteurs et s'affairent à construire aussitôt le premier appareil téléphonique constitué d'une membrane vibrante de fer placée contre une tige métallique aimantée. Lorsqu'une personne parle en plaçant ses lèvres devant la membrane, elle vibre sous l'effet des mots prononcés, elle active l'aimant dont le flux magnétique se met à varier. Ces faibles courants sont transportés à l'autre bout du fil où la personne destinataire du message le recevra à condition qu'elle soit équipée, elle aussi, d'un appareil récepteur. Sur la base de l'appareil initial, ils s'efforcent d'apporter des améliorations. Ainsi, sur cette base, nait le premier "hand telephone". Finalement, avec son fidèle assistant Watson, en 1877, ils créent une société : la Bell Telephone Companie.
Leur fortune est assurée pour le restant de leurs jours. .
La fortune aidant, Bell fonde le Volta Laboratory et se tourne alors vers d’autres champs d’expérimentations, jetant les bases du gramophone, s’intéressant à l’aviation, et aux transports nautiques.
Goodyear. La vulcanisation du caoutchouc.
Charles Goodyear, un inventeur américain autodidacte travaillait sur le caoutchouc naturel au début des années 1830. À cette époque, le caoutchouc était utilisé pour des produits comme les bottes ou les manteaux, mais il avait de nombreux défauts, notamment sa tendance à devenir collant à la chaleur et cassant au froid.
Goodyear était déterminé à améliorer ces propriétés du caoutchouc. Il a expérimenté avec diverses substances, comme la poudre de magnésium et la chaux, pour essayer de stabiliser le caoutchouc.
Il travaillait avec du caoutchouc naturel mélangé à du soufre lorsque, dans un geste de colère, il a laissé tomber par accident un morceau de ce mélange sur une cuisinière chaude. Il s'est rendu compte que le caoutchouc ainsi traité ne fondait pas sous la chaleur, mais devenait au contraire élastique et résistant. Cet incident fortuit a conduit Goodyear à comprendre que le chauffage du caoutchouc en présence de soufre transformait ses propriétés physiques. Ce processus, qu'il a appelé "vulcanisation" rendait le caoutchouc plus durable et utilisable dans une large gamme de températures. Son procédé fut rapidement copié. Après avoir permis à beaucoup de gens de s'enrichir il finit ruiné avec 200.000 dollars de dettes
Léo Sternbach. Le Valium
Léo Sternbach, pharmacologue, travaille au laboratoire Roche aux USA qui cherche à rattraper son retard sur le marché des tranquillisants.
Il effectue des recherches sur des molécules destinées à la teinture du bois. A partir de ces molécules, il essaie d'accrocher d'autres chaines moléculaires, mais c'est un échec, le projet est abandonné.
Deux ans plus tard, il doit faire de la place dans les étagères du laboratoire. Il repère deux flacons contenant quelques grammes de cristaux blanchâtres destinés à être jetés à la poubelle. Mais, à l'intuition, il se ravise et demande qu'ils subissent les tests.
Trois jours plus tard la réponse tombe : l'un des récipients contient, en effet, une molécule à effet tranquillisant.
Léo Sternbach vient de découvrir une nouvelle classe chimique, les benzodiazépines, une catégorie de médicaments qui calment l'anxiété.
Le premier médicament de cette série s'appelle Librium, suivi par le Valium. Ils ont été surnommés "la pilule du bonheur" et ils ont connu un développement considérable.
Mes sources : ce texte est en partie nourri par la documentation de Wikipédia. J'ai également utilisé le livre : "Les hasard qui bouleversent la science". Marie-Noëlle Charles. Edition "Le papillon rouge", 2012; "Histoire des grands inventeurs français". Philippe Valode. Nouveau monde Edition. 2015; "Le livre mondial des inventions" Valérie-Anne Giscard d'Estaing. Editions XO. 2001; les livres de Alain Frejean : "Terre d'inventeurs", Editions Tallandier. 2000; le livre "Intuitions de génie" de Arthur I. Miller. Flammarion. 2000.
99 idées pour trouver des idées :
L'inventaire de toutes les techniques utilisées pour trouver des idées : quand on est seul, à deux ou en groupe. Un outil ludique, pratique et efficace.
Guy Aznar et Anne Bléas
Eyrolles 2018
Idées, 100 techniques pour les produire et les gérer :
Comment produire, organiser et gérer les idées dans l'entreprise. Le livre de base des praticiens, consultants, managers de l'innovation.
Eyrolles 2005