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Définitions de la créativité.

Dernière mise à jour : 7 mai 2020



1) Définition

de la créativité.

Il existe de nombreuses définitions de la créativité, ce qui s'explique par la complexité de cette notion et la diversité des éclairages qu'on lui porte.

Nous avons retenu une définition fonctionnelle, qui repose sur notre expérience de l'animation des groupes créatifs.



2) Une définition fonctionnelle

soutenue notamment par Guy Aznar :



La créativité, à propos d'un problème considéré, c'est :

"l'art d'organiser des connexions", entre le contenu imaginaire qu'il suscite et le contenu des contraintes réalistes qu'il oppose, dans le but de proposer des solutions nouvelles et adaptées.


- "L'art", et non "la technique", parce que la méthodologie de production de la nouveauté ne se résume pas à une méthodologie descriptive, précise, reproductible à l'identique, mais qu'elle comporte une part de subjectivité et d'improvisation,


- "des connexions" : parce que le processus de la créativité consiste essentiellement à faire se rencontrer le niveau de l'imaginaire et celui du réel. C'est non plus "associer", mais "bissocier" comme dit Koestler [1]. La condition nécessaire et suffisante pour faire apparaître une idée est de provoquer "un court-circuit" entre ces deux niveaux.

Formulé autrement, c'est essentiellement : "l'imagination créatrice" comme le dit le titre du livre de Ribot, paru en 1905 [2]., l'imagination rêveuse qui, à un moment donné, se transforme en création objective.

- Elle s'inscrit dans un contexte émotionnel et souvent inconscient. L’idée naît dans un espace flou, fruit d’une rencontre inattendue, hésitante, incertaine, entre le chaos du désordre imaginaire et l’ordre contraignant du réel; dans une zone intermédiaire, que Wallas[3] désigne comme "la fringe consciousness"[4] le mot "fringe" pouvant se traduire par "la frange" de la conscience, "la lisière", ou également, une zone "en marge", ou encore "marginale ».

La caractéristique de cet espace c'est la possibilité de modeler la réalité comme on le fait avec les trucages d'images numériques avec lesquels on joue à l'infini, ou de modeler les objets réels au gré des fantasmes comme on le fait dans le rêve. L'objet, la voiture, la chaise, le meuble, se transforment à volonté par une simple pression psychique, ils coulent, ils changent de forme, de couleurs, ils entrent dans un vase et s'en échappent comme les nuages de la lampe d'Aladin.

"C'est le privilège du créateur, écrit Ehrenzweig[5], de combiner l'ambigüité du rêve avec les tensions d'une conscience pleinement éveillée… au moment de l'inspiration, la réalité lui parait intensément malléable et plastique".

C'est un espace "transitionnel". J'emploie à dessin le mot "transitionnel " en référence à Winnicott[6] qui le décrit dans la psychologie de l’enfant.

Nous avons appelé cet espace "la zone bleue"[7] ou "zone sensible "[8]

Il faut noter qu'il existe une définition universitaire de la créativité, (soutenue notamment par Todd Lubart [9]) :

"La créativité c'est : "la capacité à réaliser une production qui soit à la fois nouvelle et adaptée au contexte dans lequel elle se manifeste".

Sa mise en œuvre requiert une combinaison de facteurs individuels (capacités intellectuelles, traits de personnalité) et de facteurs liés au contexte environnemental.

C'est un processus "multi varié" qui dépend essentiellement de facteurs cognitifs, conatifs, en lien avec une "résonance émotionnelle".

- Facteurs cognitifs : il s'agit de capacités qui relèvent de l'intelligence notamment la capacité à bien identifier un problème; à bien détecter les informations utiles et l'aptitude à la métaphore c'est-à-dire la capacité à déplacer le problème dans un autre domaine.

Il relève l'importance de la capacité "à réunir des éléments de connaissance éloignés", la capacité à divergence et à l'évaluation des idées, et la flexibilité.

- Facteurs conatifs : ils "se réfèrent à des façons habituelles ou préférentielles de se comporter". Il s'agit de traits de personnalité tels que la persévérance, la tolérance à l'ambigüité, le non conformisme, l'acceptation de la prise de risque.

- la motivation : le désir lié à la réussite de la tâche ou à l'attrait de la récompense;

- l'émotion : l'effet des émotions sur la créativité a été souvent noté.

Réflexions autour du mot “créativité”.

Créativité, imagination, invention, innovation, le mot « créativité » circule au milieu d’un univers sémantique vaste où il peine à trouver sa place spécifique.

Aujourd’hui, le mot "créativité" est très répandu. On ne passe guère de journées où, dans un magazine, dans une émission de télévision, on n’entende parler de « créativité". On parle aussi bien de créativité vestimentaire, de créativité financière, de créativité architecturale, de créativité stratégique, littéraire, de créativité culinaire, etc. Le mot créativité recouvre un ensemble complexe de notions pouvant être considéré de différents points de vue : créativité artistique, scientifique, sociale, politique, etc.

Le premier à désigner « la créativité dont nous parlons » est le psychologue Théodule Ribot dans son livre fondateur : « L’imagination créatrice »[10], publié en 1900, dans lequel il décrit déjà la plupart des processus intellectuels utilisés aujourd’hui dans le monde.

L’expression d’ « imagination créatrice » est particulièrement heureuse qui illustre bien le parcours créatif comprenant la première phase de la courbe du détour (l’imaginaire) suivi par la seconde phase de la courbe, (le retour vers la production créatrice).

Le processus créatif a été exploré ensuite notamment par Henri Poincaré[11] (1908) qui a souligné pour la première fois le rôle décisif de l’inconscient à travers d’exemples vécus.

Graham Wallas (1926) qui jouera un rôle majeur dans l’analyse du processus créatif parle globalement de «l’art of thought » sans employer le mot créativité.

La vogue du mot créativité vient de l’intérêt qu’a porté à ce sujet le psychologue américain Guilford [12]. Il a démontré que l‘intelligence devait être décrite par une multitude de facteurs dont, entre autres, celui qu’il a baptisé « creativity ».

Dans un retentissant discours en 1950 il a lancé l’élan pour une multitude de recherches universitaires à ce sujet qui ont popularisé la «creativity ». Il a par ailleurs affirmé que les aptitudes psychologiques (dont la créativité) pouvaient être développées par l’éducation et il a créé une association internationale « pour une éducation intelligente incluant la créativité".


La voie était ouverte pour la « Creative Education Foundation » qui verrait le jour quelques années plus tard à Buffalo, à l’initiative de Alex Osborn et Sidney J. Parnes, qui ont développé la « pratique » de la créativité.


Le "brainstorming" d'Osborn n’aurait pas connu la même audience si sa technique n‘avait été intégrée par Sidney J. Parnes dans une démarche globale, le Creative Problem Solving. Autour d’eux, tout un groupe de passionnés de créativité s’est rencontré à Buffalo, notamment : William J.J. Gordon, George M. Prince, Win Wenders, Edward De Bono et bien d’autres.

Ils ont inventé d’autres techniques, sur d’autres pistes, dans d’autres contextes, telles que « la Synectique » avec William J.J. Gordon, « la Pensée latérale» avec De Bono, etc.

En France un réseau très important d’animateurs de créativité s'est développé de puis un dizaine d'années autour de l'association Créa France , fondée par Guy Aznar, Isabelle Jacob, Olwen Wolfe, Colette Chambon et présidée successivement par Guy Aznar, Stéphane Ely, Isabelle Jacob, Edouard Le Marechal, Patrice Henry. Elle regroupe un grand nombre d’animateurs actifs. A l’université Paris Descartes la créativité est étudiée notamment par Todd Lubart.

L’une des ambigüités autour du mot créativité, tient au champ sémantique du mot « CREA » .

Il faut faire une différence de fond entre la Création artistique et « la Création d'idées», décrite habituellement par le mot "créativité".


La différence tient au fait que la création artistique répond à une demande interne, (celle de mon désir, celle de mon inconscient), tandis que la recherche d’idées répond à une demande externe, la volonté de résoudre un problème objectif imposé de l’extérieur par quelqu’un (ou que l'on intériorise).


La recherche d’idées "externe" a une utilité évidente : comment résoudre telle ou telle difficulté posée au départ comme un « challenge »,

tandis que la création artistique ne répond à aucune fonctionnalité, n’a pas "d’utilité objective". Son « utilité » ne se mesure qu’en termes d’émotion : est-ce que l’œuvre apporte de l’émotion, oui ou non[13].


Pour sortir de l’ambigüité du mot « créativité », (au sens de production d'idées) il serait nécessaire de clarifier la définition du mot créativité et de convenir d’un mot pour désigner cette démarche.

Peut-être faudrait-il préciser le contenu de l'activité dont nous parlons ici en ne parlant que de « créativité d’idées » ou bien parler « d’inventivité », ou « d’idéation » ou « de l’art de fabriquer des idées » ?

A la place de "créativité" on aurait pu utiliser l'expression "d'heuristique" (du grec euriskos, je trouve) qui convient parfaitement sur le plan du contenu mais qui reflète une sémantique un peu hermétique et précieuse.

Le mot simple et usuel qui conviendrait peut-être le mieux à notre propos serait celui de "trouvaille" proposé par Luc de Brabandère [14] ! Toujours est-il que dans un contexte "utilitaire", scientifique, professionnel, quand nous parlons de créativité: nous parlons uniquement de la procédure mentale ayant pour but de produire des idées[15] et des solutions, c'est-à-dire des processus suivis pour rechercher des réponses innovantes à un problème ou à un défi (conceptuel, technique, commercial, social, etc.) formulé généralement sous la forme de :

"nous cherchons des idées pour…".

[1] Arthur Koestler. Le cri d'Archimède". Calmann-Levy. 1965. [2] Théodule Ribot. L'imagination créatrice. L'harmatan. 1905 [3] Graham Wallas. "The art of thought" Harcourt Brace & cie. N.Y. 1926. [4] fringe : p réciser [5] Anton Ehrenzweig. L'ordre caché de l'Art. Gallimard. 1974 [6] Winnicott. Les objets transitionnels, Payot, 2010. On doit à Winnicott des découvertes telles que l'espace transitionnel, espace potentiel, paradoxal, ni intérieur ni extérieur, situé entre le bébé et sa mère. C'est là que se développerait l'aire de jeu et de créativité où l'enfant se voit offrir la possibilité de faire des expériences fondamentales pour sa maturation psychique. [7] voir notre article plus haut. [8] zone sensible : voir page xx [9] Todd Lubart. Psychologie de la créativité. Armand Colin. 2003 2 dopamine : la libération de ce neurotransmetteur est plus importante sous une émotion positive et faciliterait le déploiement de perspectives cognitives [10] Ribot L'imagination créatrice. L'Harmattan. 1900 [11] Henri Poincaré. Science et méthode. Paris Flammarion. 1908. Je m'appuie ici sur la présentation publiée en annexe du livre de Cédric Villani : "les mathématiques sont la poésie des sciences. Edition Champs.2018. [12] Guilford. 1950. « creativity » in American Psychologist.1967. “The nature of human intelligence”. McGrawhill.1967. [13] (Les cas du design et de la mode posent un problème de définition particulier). [14] Luc de Brabandère. "Petite philosophie des grandes trouvailles". Eyrolles.2010 : " J'ai trouvé une définition du Petit Robert selon laquelle la trouvaille est « le fait de trouver avec bonheur »" . La trouvaille c'est l'acte de naissance du nouveau concept, la discontinuité, la rupture. Et puis le mot trouvaille est un mot sans prétentions"..."tout, un jour, a été trouvaille, la soie, l'aspirine, la boussole, la chasse d'eau, la colle, la pile électrique, le crayon, la boîte de conserve, le code Morse, les lentille de contact, les surgelés, le parcmètre, le livre de poche, le code-barres, le laser, le test de grossesse, le compteur kilométrique". [15] Idée : représentation abstraite, élaborée par la pensée, d'un être, d'un rapport, d'un objet, etc. (dictionnaire Larousse). Dans notre langage: un concept nouveau.













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