Notre expérience de la créativité part essentiellement d'une pratique de groupe. Il s'agit en général de groupes d'une taille de 8 à 15 personnes, réunies pour une durée de 3 heures, ou une journée ou parfois pour deux jours.
Afin de faciliter les processus associatifs, (le "vagabondage mental") nous nous efforçons de créer une dynamique de groupe.
Nous pratiquons notamment une phase d'entraînement du groupe comportant des exercices corporels pour désinhiber au maximum les participants et favoriser une forme d'expression libérée des contrôles et des statuts personnels.
Le mythe que nous poursuivons est que le groupe entraîné, en situation de langage associatif, fonctionne "comme une seule personne avec dix têtes, dix cerveaux"…
Notre première étape consiste généralement à favoriser les associations spontanées. Dans ce but nous procédons par étapes :
- en général un premier niveau d'associations de mots, très rapide. Puis, pour aller au-delà des associations "communes" et conventionnelles, un niveau d'associations "en images" où l'on s'efforce d'atteindre un niveau plus émotionnel, plus impliqué et enfin un niveau d'associations dites "fantastiques, où l'on prépare les participants à une expression divergente libérée, éventuellement éloignée.
Puis nous nous efforçons d'entraîner les participants à établir des connexions. Nous considérons, en effet, que l'objectif essentiel de la créativité consiste à établir des connexions entre le niveau imaginaire (celui de la divergence) et le niveau des contraintes objectives et du contrôle (celui de la convergence).
D'où la définition de la créativité que nous utilisons :
la créativité, à propos d'un problème considéré, c'est :
"le processus consistant à organiser des connexions, entre le contenu imaginaire qu'il suscite et le contenu des contraintes réalistes qu'il oppose, dans le but de proposer des solutions nouvelles et adaptées à la question posée.
Notre base théorique consiste à dire que "les idées ne viennent pas principalement dans la phase de divergence (selon nous, la séquence de divergence, n’est pas un espace de production d’idées, c’est le lieu de la production imaginaire, c’est celle où l’esprit flotte); elles ne viennent pas non plus principalement dans la phase de convergence (celle du retour aux contraintes, qui incarne trop fortement l'imaginaire dans la réalité) mais dans une phase intermédiaire dans un lieu central de connexion situé entre la divergence et la convergence qui est appelé par nous le lieu de "l'émergence de idées" qui correspond à la séquence de l'insight.
Le processus utilisé pour favoriser l'émergence des idées est celui où l'on utilise une méthodologie désignée par le mot "croisement". Pour faciliter "le croisement" (les connexions) nous avons élaboré différentes méthodologies.
Le principe général consiste à séparer les deux séquences de divergence/convergence et à nous centrer sur la phase de "croisement" (de connexion), la production divergente étant notée ou enregistrée ou résumée en dessins,
Parmi ces techniques, l'une que nous appelons "l'aquarium". En résumé, le groupe se sépare en deux puis deux participants (ou plus) divergent librement, parfois en utilisant des planches projectives, (isolés comme dans un aquarium virtuel…) tandis que l'autre partie du groupe, crayons à la main cherche à établir des connexions. (on inverse ensuite les rôles)
L'autre technique que nous avons baptisée "le balancier" a une base individuelle : le participant en situation de "croisement" est assisté par un "coach", tandis qu'une scripte note sa production. Le participant doit "balancer" entre un support imaginaire (sa production divergente, écrite ou traduite en dessins) et l'objectif de la convergence (les mots clés de la formulation, la phrase "nous cherchons des idées pour"). Le coach l'aide à balancer. S'il est trop plongé dans son imaginaire, d'un léger appui il le ramène au niveau de la convergence, et réciproquement.
Parmi les techniques fréquentes nous incitons les participants à pratiquer des analogies : soit des analogies "directes" (du problème vers un autre univers, par exemple dans la Nature); soit des analogies "symboliques" (poétiques); soit des analogies "fantastiques" (oniriques); soit des analogies "personnelles", qui consistent pour le participant à s'identifier à un élément du problème ("je suis une brique", "je suis une pièce d'engrenage", etc.
A propos des modes d'expression, nous nous efforçons de compléter l'expression verbale par d'autres modes d'expression tels que le dessin.
(Afin de ne pas nous limiter à la plus ou moins grande compétence graphique nous utilisons en général la peinture à doigts, comme pour les jeunes enfants. (Pour mettre les participants à l'aise nous leur faisons revêtir une combinaison en papier ce qui accentue le "dépaysement" mental)
Lorsque nous avons réalisé une divergence sous forme de dessins nous aidons le participant à produire des "pistes d'idées" soit avec la technique du balancier soit directement à partir des dessins :
D'une manière générale nous ne recherchons pas un insight unique qui apparaitrait "soudainement". Nous recherchons plutôt à recueillir une série "d'ébauches d'idées", de "pistes d'idées", "d'idées vagues", dans une zone floue (la "fringe consciousness" dont parle Wallas), un espace que nous appelons "la zone sensible"; où les connexions sont d'abord "ressenties" avant d'être clairement formulées. Puis nous faisons progressivement "redescendre" ces ébauches d'idées vers les solutions "adaptées à la solution posée.
Enfin nous utilisons une batteries d'autres techniques qui sont décrites sur mon site "creativite.info" sous la rubrique "outils d'animation". Elles figurent également dans les livres que j'ai publiés : (le dernier étant : "Guy Aznar, Anne Bléas. "99 idées pour trouver des idées tout seul à deux ou à plusieurs". Eyrolles. 2018)
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