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Outils #2 : La méthode analogique : "c'est comme".

Dernière mise à jour : 19 août 2023


Mode d'emploi : comment procéder :


1) Imprégnation : j'ai un problème de recherche d'idées en tête, je suis obsédé par la recherche de la solution, j'ai en tête les contraintes objectives du problème qui m'obsède;

2) Déplacez la recherche dans un autre champ de référence (par exemple un problème mécanique est déplacé dans le domaine de la Nature).

"L’acte créateur ne crée pas à partir de rien", écrit Koestler : chaque trouvaille dissocie deux univers de référence…il navigue sur plusieurs niveaux de la conscience"

On distingue plusieurs niveaux d'analogies. D'une part les analogies logiques. Il signifie que deux situations se ressemblent sur certains points et non sur tous. Les analogies logiques, peuvent se concevoir rationnellement. La phrase-clef c'est "comme si". Un autre niveau est constitué par la famille des analogies intuitives éventuellement insolites, irrationnelles, floues, mises à jour par le moteur de recherche de l’inconscient. Les métaphores sont des variantes d’analogies qui consistent à traduire le problème par une image globale, qui peut être poétique ou par un symbole. Pour produire ce type d’images on utilise souvent la méthode du « portrait chinois », qui consiste à aborder le sujet avec des « si c’était… » (Si c’était une fleur, une musique, un objet, etc.)

L'une des premières méthodes de créativité, la Synectique,[1] a été basée explicitement sur le mécanisme analogique. Son auteur, William J.J. Gordon [2] distinguait ainsi quatre familles d'analogies :

- l’analogie directe, consistant à transposer un problème d’un domaine à un autre (par exemple de la mécanique à la biologie).

Exemple : un groupe devait inventer un distributeur pour un large éventail de produits depuis la colle jusqu'au vernis à ongles : "une palourde sort de sa coquille puis y rentre... la bouche de l'homme...elle crache, bave.. l'anus d'un animal... faisons "comme si…"(le produit fabriqué fonctionnait de la manière suggérée par l'analogie)

- l'analogie symbolique plus émotionnelle, qui implique une comparaison mais entre des choses que l’on ne s’attend pas à voir mettre en rapport.

Exemple : inventer un vérin tenant dans une boîte cubique de 10 cm de côté, ayant une capacité de 4 tonnes et une portée de 1 mètre.

Courts extraits de plusieurs séances longues : "si c'était… cela me fait penser aux fakirs avec leur tour de corde magique.. la corde lui arrive souple et il la rend rigide.. (cette idée de corde magique… comment faire "comme si" avec un tube de caoutchouc il n'y aurait qu'à pomper le liquide dedans... ou s'il était en acier, de l'acier souple, comme un mètre métallique...et deux dos à dos comme les chaines de bicyclette" (extraits)

- L’analogie fantastique : c’est la solution magique d’un problème ».

Exemple : inventer une fermeture hermétique pour des combinaisons spatiales. Courts extraits : "imaginons des complaisants insectes réaliseraient notre rêve.. une fermeture éclair est une sorte d'insecte... et si les insectes étaient dressés.. imaginez deux rangées d'insectes... je me sens un de ces insectes, j'imagine un insecte qui monterait et des cendrait le long de la fermeture.. et si on le faisait mécaniquement en passant un ressort dans les œillets tout le long de l'ouverture..

- l'analogie personnelle ou identification consistant à déplacer en s’identifiant à un objet,

Exemple : un groupe devait inventer un mécanisme donnant une vitesse constante à un arbre de transmission tournant à des vitesses variables

extraits: "me voilà entré dans cette boîte, je saisis d'une main l'arbre d'entrée et de l'autre l'arbre de sortie... ce qu'il faudrait c'est que mes pieds deviennent plus petits quand l'arbre tourne... comment faire rétrécir mes pieds...et si mes pieds se rapprochaient...imaginons une fluide composé de millions de filaments de caoutchouc, plus l'axe de rotation irait vite, plus ces filaments s'enrouleraient...

Chercher dans la Nature : l'une des voies les plus fertiles de la méthode analogique

La Bionique est une science qui vise à rechercher des analogies dans la Nature. Son principe : comprendre les mécanismes de fonctionnement des organismes vivants afin de pouvoir les appliquer aux créations humaines. Elle est une source inépuisable de progrès et d'innovations

Un problème compliqué ? Vos mécanismes associatifs sont bloqués ? Vous manquez d’inspiration ? Cherchez des voies nouvelles en observant la Nature dans les livres de botanique ou d’entomologie, dans les musées scientifiques, ou en vous promenant le nez en l’air. Peut-être la solution apportée par les insectes conduira-t-elle à trouver une solution pour le problème d'engrenage.

La botanique a suggéré d’innombrables concepts d’agencements basés sur l’observation des plantes : champignons, lichens, racines, de même que les: ruches, fourmilières, nids, etc. ; le dispositif antivibratoire des libellules est analogue au renforcement des ailes d’avion ; le Velcro est né en observant les peluches végétales qui s’accrochent aux vêtements ; le détecteur de température du crotale a inspiré le détecteur de missiles ; la spirale des graines d’érable a inspiré le procédé qui est utilisé pour combattre les feux de forêts ; les chauves-souris naviguent avec un système d’écho, analogue dans son principe à celui qui est utilisé par les radars et les sonars.

La théorie.

La logique ne peut pas inventer, cela lui est interdit, elle doit respecter avec rigueur la règle des : "donc, par conséquent". Dans ce cas, comment expliquer qu'un fonctionnement mental innove constamment ? C'est parce que la logique cohabite avec sa cousine la créativité, dont la première forme est ce que l'on appelle l'analogie, qui est la première forme du processus de détour : on déplace le problème "à côté".

L'analogie est la première solution qu'a trouvé la pensée logique pour sortir de sa prison. Le système logique utilise "un truc", une mécanique, qui lui sert de marchepieds en utilisant les mots "comme si".

On peut affirmer que les analogies sont une part essentielle de la créativité scientifique. A titre d’exemple voici le cas de Maxwell qui définit les équations du champ électromagnétique à partir de cette métaphore : « le champ magnétique se comporte "comme s’il" était un ensemble de roues, de poulies et de fluides ».

Pour décrire l’oscillateur harmonique, Planck opta pour un modèle dans lequel les électrons peuvent être vus : «"comme" de minuscules sphères attachées à un ressort ».

Dans tous les cas c'est le mot "comme si" qui est le déterminant majeur. En utilisant la comparaison, le raisonnement déplace le problème "à côté".

La métaphore est une modalité d'analogie.

La métaphore favorise l’émergence de la pensée scientifique.

Dans son premier article sur la théorie atomique, Bohr utilisa la métaphore suivante :

« L’atome se comporte comme si il était un minuscule système solaire ». Le comme si signale un transfert depuis le sujet secondaire, le système solaire, afin d’étudier le sujet primaire encore mal compris, l’atome. La métaphore de Bohr était provocatrice à l’époque (elle remettait en cause la description visuelle des électrons atomiques). On pourrait dire qu’il y avait un niveau de tension importante entre les deux termes de la métaphore.

Il est intéressant de comprendre comment l’idée de Bohr a été intégrée par le corps scientifique, ce qui nous amène à faire un détour par la science cognitive.

Le psychologue Piaget a expliqué clairement la façon dont la connaissance émerge de nos sens. Les interrogations de Piaget concernaient un paradoxe discuté par Platon dans Ménon : « comment de nouveaux concepts peuvent-ils émerger dans le cerveau, différents de ceux qui sont déjà présents dans le cerveau ? ». En d’autres termes, comment un système peut-il produire des résultats qui dépassent largement les assertions qu’il contient déjà ? ».

La réponse de Piaget se ramène aux processus d’assimilation (ou incorporation) et d’accommodation (ou ajustement) qu’il a largement décrites en étudiant le développement de l’intelligence de l’enfant (l’enfant apprend par une alternance de phases d’assimilation (il intègre du nouveau) et d’accommodation (il s’adapte au nouveau).

Dans le domaine scientifique, les données nouvelles, (par exemple une nouvelle théorie), sont « assimilées » (incorporées) dans un système de connaissances bien établi. Mais au moment où il les assimile, le système existant se trouve déséquilibré par cette intrusion, par ce corps étranger, que constitue la nouveauté.

La production du nouveau est précédée par un déséquilibre.

Le niveau antérieur des théories se retrouvent dans un état de confusion. De deux choses l'une : ou bien le niveau antérieur refuse la nouveauté ou bien il se transforme. Placé devant des faits, il doit s’ajuster à ces données neuves (« accommoder ») pour passer à un niveau supérieur grâce à un raisonnement par métaphore qui lui sert de marchepieds. Formulé autrement : L’intégration d’une idée nouvelle suppose de changer les catégories de jugement de ceux qui l’examinent. Une idée nouvelle ne peut passer que si ceux qui l’examinent acceptent de se changer eux-mêmes. L’une des manières de faire passer l’idée est d’utiliser une démarche métaphorique, c'est-à-dire de s’appuyer sur un champ secondaire connu et rassurant.

En résumé, nous recevons ou assimilons des perceptions sensorielles et nous y répondons en activant des niveaux de connaissance situés juste au dessus des niveaux antérieurs. Ces niveaux les plus bas s’ajustent eux-mêmes aux perceptions extérieures en formant des niveaux de connaissance plus élevés. Le niveau supérieur ainsi constitué est alors dans un état d’équilibre relatif jusqu’au moment où il doit assimiler une information nouvelle et ré amorcer un cycle de spirale ascendante

Dans le cas de Bohr, par exemple, les données nouvelles sont examinées par la physique classique qui ne peut le faire, elle est de fait déstabilisée. En recourant à une métaphore, Bohr lui permet de transformer son système de référence vers un système d’un niveau plus élevé.

A partir de myriades de données, des structures émergent par étapes, chaque échelon émergeant de manière continue de l’échelon inférieur lorsque celui-ci a été mis en défaut par des données ou des constatations théoriques nouvelles. On peut se représenter visuellement ce phénomène sous la forme d’une spirale ascendante : arrivé à un certain point on retire les parties courbées de la spirale et seulement restent les marches. Chaque marche est une théorie scientifique qui permet d’accéder à un monde possible, ce dernier étant une version toujours plus exacte de celui offert à nos sens. La science nous offre un escalier vers la réalité physique.

L’émergence stupéfiante d’un niveau organisé supérieur à partir d’un niveau inférieur désorganisé nous rappelle les phénomènes rencontrés en théorie de la complexité. L’un des pionniers dans ce domaine, Ilya Prigogine y décrit sans hésiter le déséquilibre comme étant « une source d’ordre ». Il existe un « ordre » qui peut naître spontanément du désordre, le désordre nait du "bruit".

La théorie de la complexité nous enseigne entres autres résultats importants que des systèmes loin de l’équilibre finissent par s’adapter "tout seuls" à leur environnement d’une manière ou d’une autre, débouchant ainsi sur ce que l’on appelle de façon assez évidente une « auto-organisation».

L’étude de la dynamique menant à l’auto-organisation représente la nouvelle frontière de la théorie de la complexité.

C’est l’analyse de cette dynamique qui pourrait conduire à la compréhension du mécanisme de la créativité : on pourrait dire qu’une idée est une réponse spontanée, "auto organisée" qui nait à partir d’un désordre que l’on a provoqué.

(Plus de détails sur la méthode analogique dans le livre :


"99 idées pour trouver des idées, seul à deux ou à plusieurs"

Guy Aznar. Anne Bléas. Eyrolles. 2018.

[1][1] Publié en français chez Hommes et Techniques, en 1965, ce livre est aujourd’hui épuisé. Il a profondément inspiré les premiers développement de la créativité en France. C’est la traduction d’un ouvrage intitulé : « Synectics, the développement of creative capacity » Publié chez Harper et Row en 1961. [2] William J.J. Gordon était un inventeur et un psychologue. Il est le co-créateur d'une méthode de créativité appelée Synectique qu'il a développée avec George M. Prince alors qu'il travaillait dans le groupe d'invention Arthur D Little en liaison avec l'Université La Synectique s'est développée en parallèle du Brainstorming d'Osborn. Elle est moins orientée vers la création dans le marketing mais surtout dans l'invention scientifique.

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