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Outils #4 : La méthode des connexions.

Dernière mise à jour : 19 août 2023

1) Le principe de la connexion

2) les supports de connexion

3) la pratique des techniques de connexion


1) Le principe de connexion

Le mécanisme de connexion (de rencontre, d'opposition, de conflit) entre deux termes, l'un plutôt éloigné du thème central du sujet de la recherche et l'autre situé au coeur du sujet, est un principe général de la production de nouveauté.

C'est pourquoi j'ai proposé comme définition de la créativité : "la créativité, à propos d'un problème considéré, c'est l'art d'organiser des connexions, entre le contenu imaginaire qu'il suscite et le contenu des contraintes réalistes qu'il oppose, dans le but de proposer des solutions nouvelles et adaptées".

- "L'art", et non "la technique", parce que la méthodologie de production de la nouveauté ne se résume pas à une méthodologie descriptive, précise, reproductible à l'identique, mais qu'elle comporte une part de subjectivité et d'improvisation,

- "des connexions" : parce que le processus de la créativité consiste essentiellement à faire se rencontrer non pas seulement deux termes éloignés mais deux termes situés l'un au niveau de l'imaginaire et l'autre à celui du réel.

Formulé autrement, c'est essentiellement "l'imagination créatrice" comme le dit le titre du livre de Ribot, paru en 1905 [1] (ce qui, par parenthèses, fait de lui l'auteur du premier livre de créativité[2]) où l'on décrit le moment où l'imagination rêveuse, à un moment donné, se transforme en création objective.


Si l'on résume les choses, pour produire du nouveau il existe deux méthodes :

- la logique, une méthode superbe où l'on enchaîne les informations par une mécanique déductive (pourquoi, parce que, donc, par conséquent), (développée aujourd'hui par l'intelligence artificielle);

- le processus créatif, qui est complémentaire de la logique, ou bien qui la remplace quand celle-ci est bloquée, et

qui effectue un détour provisoire par l'illogique ou par l'imaginaire.

Pour effectuer ce détour on procéde en suivant deux itinéraires :


- l'itinéraire associatif (dites tout ce qui vous passe par la tête sans réfléchir, ne jugez pas)

Le mode associatif est celui qui correspond à l'expression de l'imaginaire : on "rêvasse", en associant librement des mots ou des images. On produit des "idées folles", des fantasmes, de l'humour, des associations incongrues, originales, farfelues, astucieuses, géniales, etc…

Mais le processus associatif ne produit jamais de nouveau. Sa fonction est de produire un éloignement du niveau de la réalité et de ses contraintes. La séquence associative ne produit jamais d'idées mais elle est un préalable à l'apparition des idées

- l'tinéraire des connexions.

Dans le flot associatif il se produit soudain, dans certains cas une rencontre créative… Soudain on a une idée, qui semble sortie "de nulle part".On ne sait pas comment cela arrive, on ne la voit pas venir parce que la séquence de connexion, généralement inconsciente, est noyée dans le flot associatif. En fait, l'esprit a fait une connexion qui correspond à un autre mode de fonctionnement que celui du mode associatif C’est précisément de cette confrontation que nous avons appelé également « croisement »[3] que va naître l’originalité de l’idée ou la qualité de l’œuvre d’art.

.. Le processus créatif n'est pas associatif mais "bissociatif" comme le dit Arthur Koestler[4].


"Je forge ce mot, c'est afin de distinguer nettement les processus associatifs, cette forme de pensée paresseuse qui s’exerce pour ainsi dire sur un seul plan, et le bond novateur qui, en reliant des systèmes de référence jusqu'alors séparés, nous fait comprendre le réel sur plusieurs plans à la fois"…



"Bissociation, ce mot symbolise le lien

entre deux systèmes de référence dissociés

qui vont être réunis dans l’acte créateur".

« Le rêveur bissocie constamment, écrit-il,

il passe sans cesse d’une matrice à l’autre

sans s’en rendre compte…le créateur, à la

différence du dormeur, fait alterner deux

niveaux différents…chaque trouvaille

dissocie deux matrices soit en même temps,

soit en rapide succession, il mélange à la fois des productions imaginaires et des concepts proches de la réalité…il navigue sur plusieurs niveaux de la conscience".


Nous appelons le processus bissociatif le processus de connexion. Dans l’espace de naissance des idées, le créateur d’idées doit faire face à une tâche complexe et décisive qui consiste à faire se rencontrer deux univers : soit celui de l’imaginaire et celui de la réalité avec toutes ses contraintes et sa dureté.

Il y a un conflit entre deux registres, voire une impossibilité apparente,

comme si l’on voulait faire entrer une pièce de puzzle dans les creux d’un jeu dont elle n’est pas issue.


Le principe de la connexion, c’est celui du conflit et c’est ce qui justifie que l’on parle de "croisement", (comme on croise les épées dans un duel, comme deux voitures entrent en collision au croisement de deux routes), pour illustrer cette rencontre « dialectique » entre l’imaginaire et le réel, pour symboliser la rencontre forcée qu’il faut établir entre le stimulus imaginaire que l’on a produit et les contraintes, entre le flou des idées vagues qui s’ébauchent et la dureté de la réalité, entre le désordre et l’ordre.

Au lieu de dialectique, on pourrait dire « dialogique » pour parler comme Edgar Morin[5] qu’il définit comme « l’unité complexe entre deux logiques, concurrentes et antagonistes, qui se nourrissent l’une de l’autre, mais aussi se complètent et se combattent ». Dans la dialogique selon Morin, « les antagonismes demeurent la force motrice des phénomènes complexes » comme ceux de la création.

Plus familièrement, comme le dit l’inventeur Roland Moreno [6] : « Une idée c’est toujours le mélange de deux trucs, une idée c’est une combinaison de deux choses, de deux produits, de deux concepts, de deux rêves, de deux mots. De même que pour faire un enfant il faut être deux, pour faire une idée il faut accoupler deux notions qui s’emboîtent ».


Il faut noter que la connexion s'inscrit dans un contexte émotionnel et souvent inconscient.

L’idée naît dans un espace flou, fruit d’une rencontre inattendue, hésitante, incertaine, entre le chaos du désordre imaginaire et l’ordre contraignant du réel; dans une zone intermédiaire, que Wallas[7] désigne comme "la fringe consciousness" (le mot "fringe" pouvant se traduire par "la frange" de la conscience, "la lisière", ou également, une zone "en marge", ou encore "marginale »).

La caractéristique de cet espace c'est la possibilité de modeler la réalité comme on le fait avec les trucages d'images numériques avec lesquels on joue à l'infini, ou de modeler les objets réels au gré des fantasmes comme on le fait dans le rêve. L'objet, la voiture, la chaise, le meuble, se transforment à volonté par une simple pression psychique, ils coulent, ils changent de forme, de couleurs, ils entrent dans un vase et s'en échappent comme les nuages de la lampe d'Aladin.

"C'est le privilège du créateur, écrit Ehrenzweig[8], de combiner l'ambigüité du rêve avec les tensions d'une conscience pleinement éveillée… au moment de l'inspiration, la réalité lui parait intensément malléable et plastique".

C'est un espace "transitionnel". J'emploie à dessin le mot "transitionnel " en référence à Winnicott[9] qui le décrit dans la psychologie de l’enfant.

Nous avons appelé cet espace "la zone bleue" ou "zone sensible "[10]


La connexion n'est pas un processus rare : de même que nous faisons tous, en permanence, des associations nous faisons tous, à un moment ou un autre, des "connexions".

En fait, nous faisons des connexions chaque fois que nous trouvonsune idée, ce qui arrive tout de même assez souvent chez une personnenormalement constituée.

Notre mission est d'éclairer ce processus pour le valoriser, pour le développer, pour l'enseigner.


2) Les supports de connexion.

Il fait établir une connexion entre le problème posé, résumé à une interrogation :

("nous cherchons des idées pour", compte tenu de telle ou telle contrainte),

et….

…et un support externe, étranger au problème qui fait naître de cette rencontre "un éclair créatif", c'est-à-dire une idée, non pas une idée finalisée mais généralement une piste d'idée, une ébauche d'idée, le début d'une chaine créative.

Le support de connexion est comme "un sparring partner"[11]


Voici quelques exemples de supports de connexion habituellement utilisés :

1) à partir de la technique "casser le problème"

Les éléments séparés du problème, après qu'on l'ait désarticulé. Cette technique de divergence a pour objet de déstructurer le problème où, après avoir effectué une "radiographie" du sujet, après avoir distingué : ses éléments, ses fonctions, son contexte, on le bombarde avec des verbes tels que :agrandir, diminuez, combinez, supprimez, etc…

La mise en œuvre de cet exercice s'effectue généralement dans une atmosphère dynamique, vive, voire ludique. Le sous-groupe chargé de détruire s'en donne à cœur joie. Le sujet traité est méconnaissable, on le considère avec un œil neuf.

L'autre sous-groupe en profite pour relier les différents éléments entre eux de manière différente, pour établir des connexions, pour réinventer le problème.

2) Le principe des techniques de rencontres forcées consiste à produire un choc, une confrontation, entre deux univers de références qui ne sont pas reliés. L’esprit suit habituellement des tracés plus ou moins cohérents, dans le cadre d’un univers de référence. Si l’on est mécanicien, on aborde le sujet avec l’ensemble de ses connaissances professionnelles, de son savoir faire, en mécanique et non avec son expérience de cuisinier. Même si l’esprit du mécanicien s’égare de temps à autre pour penser à autre chose, cela est perçu comme une digression fâcheuse et il se raisonne : « revenons à notre sujet, d’où vient la panne… ».

Les techniques de rencontres forcées, à l’inverse, cherchent à établir des liens entre deux univers de référence différents, ou entre deux aspects du problème qui n’ont a priori aucun rapport.

A la limite on choisit au hasard un mot dans le dictionnaire et on se force à établir un lien . Au lieu d’utiliser la démarche associative qui consiste à associer les mots, les images, les idées, les unes sur les autres, comme on le fait d’habitude, en fonction d’un lien éventuellement inconscient, ici on provoque une rupture artificielle d’association, on n’associe plus on « bissocie ».

C’est alors que le hasard ou l’intuition assure le contact avec une matrice différente qui s’appuie « verticalement », si je puis dire, sur le problème bloqué dans son vieux contexte « horizontal ».

Il existe différentes manières de procéder à une rencontre forcée :


Les matrices de découverte, sont résumées ainsi par Luc de Brabandère[12] :

« on commence par choisir deux rubriques différentes : par exemple les besoins du public et les ressources dont on dispose; ou bien les produits et les techniques ; ou bien les outils dont on dispose et les tâches à exécuter; ou bien les pièces mécaniques et les fonctions; ou bien les différentes situations et les moyens, etc.

Ensuite on inscrit les caractéristiques de ces rubriques dans une case de la matrice. Puis on croise méthodiquement les lignes et les colonnes ».

En parcourant les cases qui sont au carrefour des deux, on retrouve beaucoup de solutions existantes. Mais, surprise, il y a des cases vides, on n’a jamais trouvé utile de relier tel ou tel élément à telle ou telle fonction : cela peut être le point de départ d’une recherche d’idées.


La matrice d'associations créatives : elle consiste à noter sur l’une des entrées de la matrice les composantes du problème (supposons qu’il s’agisse d’un stylo, on noterait forme, type de matière, type de capuchon, gestion de l’encre, etc.). Puis on associe sur chaque thème, (toutes les idées de forme, de matière, etc.) ; on établit ensuite une connexion, non pas entre éléments objectifs mais entre les associations qui ont été produites.


La matrice des combinaisons par paires est plus simpliste : elle consiste à inscrire en lignes et en colonnes les mêmes indications et on croise les deux. Par exemple pour un stylo, on noterait corps du stylo, forme, encre capuchon, etc. (la liste peut être très longue) de chaque côté de la matrice et on considère le croisement tout d’abord en éloignement, puis ensuite en croisement. Considérons capuchon/encre : et si l’encre était contenue dans le capuchon, on changerait de capuchon, un capuchon de couleur différente, quand on veut changer de couleur d’encre, etc.


La Matrice avec des mots clés. On détermine au départ, pour un problème, les mots clés que l’on va utiliser, issus de la formulation du problème ou des contraintes du client, et on croise tous ces mots clés avec les éléments et les fonctions du problème. Une entreprise (par exemple une société de design ou une agence de publicité) peut déterminer des mots clés qui font partie de sa philosophie, liés à son image de marque et elle passe tous les problèmes au crible de ces mots clés.


Les arbres à idées. C’est une méthode très efficace basée sur des rencontres forcées entre associations d’idées éloignées du point de départ.

Mode d'emploi : notez le mot central de la recherche au milieu d’un support puis dessinez les 4 ou 5 premières branches, avec les mots clés.

Puis dessinez les 4 ou 5 branches secondaires et notez des associations sur le dernier mot (en oubliant le mot de départ). Dessinez encore un réseau de branches, plus ou moins touffu au choix et notez les associations. Vous disposez d’un réseau associatif de plusieurs centaines d’associations dérivées du point de départ. L’objectif consiste à établir des rencontres entre ces associations éloignées et de chercher une idée au carrefour : mêlez des mots pris à la périphérie de la carte et des mots pris au centre, un mot au nord, un mot au sud, un mot à l’ouest, etc.


Les rencontres forcées dues au hasard

Soyons clair : le hasard n'est en aucune manière une technique pour produire une idée.

Si l'on établit un croisement avec un mot choisi "au hasard", le mot choisi au hasard n'est pas utilisé en lui même, mais considéré comme le point de départ d'une chaîne d'association, où celui qui cherche une idée va revenir vers ses fantasmes habituels, vers ses structures mentales, et rencontrer à nouveau l’imaginaire du problème. Le mot choisi « au hasard », finalement, est un support projectif, qui suscite un flot d’associations nouvelles que l’esprit cherche à croiser.

Mais le hasard permet d'établir une rencontre entre le problème et un stimulus complètement aléatoire. Puisqu'il faut s'éloigner, pourquoi ne pas choisir une liste de mots au hasard qui apporte la certitude de partir de très loin du problème


Mais d’une manière générale, plutôt que de prendre des stimulations totalement aléatoires, nous recommandons d'utiliser des stimulations projectives, davantage porteuses d'évocation, chargée par l’imaginaire vivant d’un participant du groupe ou par le vôtre si vous êtes seul : voir à ce sujet la méthode des croisements projectifs décrite dans le texte "les méthodes projectives" .


3) La stimulation par des couleurs

Chaque couleur est porteuse est porteuse d'un champ associatif évocateur. Il s'agit de le faire exprimer puis de le mettre en connexion avec les éléments du problème.

Dans la pratique : disposez devant vous (ou accrochez au mur) sept feuilles de papier blanc et installez votre groupe avec vos crayons de couleurs, ou mieux votre boîte de gouache ou vos boîtes de peinture à doigts.






Invitez le à exprimer les évocations imaginaires qui viennent spontanément à l'esprit pour chacune des sept couleurs du prisme (rouge, orangé, jaune, vert, bleu, indigo, violet). Complétez éventuellement les dessins avec des collages.

Notez les associations positives et négatives pour chaque couleur, (par exemple pour le rouge : le cœur, l’amour, le sang, les blessures, etc.) ... Imaginez la force symbolique de chaque couleur, inspirez-vous de cette force symbolique, associez.


Puis connectez le champ associatif de chacune de ces couleurs sur votre sujet de recherche. Méthodiquement cherchez : une série d'idées rouges, une série d'idées orangées, jaunes, vertes, bleues, indigo, violettes


4) La stimulation inspirée par les quatre éléments (la terre, le ciel, l'eau, le feu)

Pour votre recherche d’idées, vous pourrez utilisez les évocations associées aux 4 éléments (Terre, Feu, Air et Eau) qui étaient selon le philosophe grec Empédocle (Ve siècle av. J. C), les matériaux de base constituant le monde.






Isabelle Jacob, notamment, a développé ce thème d'inspiration de manière très variée, en utilisant la musique, la dance, le corps, etc.

Elle organise ensuite un croisement avec la définition du problème puis elle les invite à produire des idées "terriennes", des idées "aériennes", des idées "brulantes, ou des idées "mobiles, fluides, ) etc.


5) les photos du téléphone. C'est une technique que nous avons improvisée avec ma collègue Anne Bléas[13]. Elle est pratique, dans la mesure où à notre époque tout le monde possède un téléphone dans sa poche. On se met deux par deux; on invite chacun à parcourir les photos de son téléphone que l'on soumet à l'autre (à tour de rôle). Puis chacun commence à associer sur la photo qu'on lui soumet et à partir de ces associations il s'efforce d'établir une connexion avec le sujet.


Pratique des techniques de connexion

Toutes les démarches créatives utilisent une technique de connexion. En pratique :

-a) le brainstorming a pour principe de faciliter des connexions rapides, quantitatives, incontrôlées.

Il repose sur quatre règles de base : 1) Suspendez le jugement; Ne critiquez pas; 2) L’imagination la plus folle est la bienvenue; 3) Cherchez la quantité 4) Associez les uns sur les autres.

C'est un fait : la pratique du brainstorming libère l'expression, libère des énergies, casse les pesanteurs sociales, brise les tabous culturels, dynamise les groupes.

Néanmoins, l'extraordinaire succès de l’appellation créée par Alex Osborn, présente des aspects négatifs.

Les critiques tiennent à l'usage abusif que l'on fait avec cette marque (on appelle brainstorming tout et n'importe quoi).

Mais la différence essentielle, structurelle, entre le brainstorming et les autres approches tient au fait que le brainstorming "noie" le processus de connexion dans la masse de sa production.Le brainstorming, par principe, propose de mettre tout sur la table : des « idées » banales ou des « idées » originales, des « idées » réalistes ou des folies invraisemblables. Mais il ne produit pas systématiquement "des connexions" entre ces deux extrêmes, à partir de techniques particulières. Il n’opère pas, volontairement, la distinction entre ces deux étapes de production alors que les autres démarches vont précisément mettre l’emphase sur cette distinction : rappelons que l'essentiel de la création des idées tient précisément à l'organisation d'un processus de croisement entre ces deux pôles.


b) L'autre démarche, précisément a pour principe à l'inverse :

de distinguer la séquence d'éloignement et la séquence de production des idées (la séquence de connexion) de rechercher la lenteur, le flou, la sensibilité.

Nous parlons d'ailleurs de "posture sensible" pour désigner cette approche[14].

Elle procède donc non pas en deux temps (divergence, convergence) mais en trois temps (divergence, émergence; croisement)


Dans les faits les principales procédures utilisées sont :

1) Si vous êtes en grand groupe : le principe général du groupe dédoublé (la technique dite de "l'aquarium")

La démarche pratique consiste à dissocier les deux fonctions : celle de la divergence imaginaire et celle de la connexion.


Le groupe est scindé en deux, les "rêveurs" et les "idéateurs".

- Le premier sous-groupe, les « rêveurs », à partir de son support projectif, "diverge. Il voyage dans l'imaginaire, sous la conduite de l'animateur. Il est chargé de chercher des solutions « magiques » au problème en s’inspirant

des stimulations éloignées :


« Comment résoudre ce problème, si on était dotés

de pouvoirs magiques dans un univers sans

contraintes».

Soit il s'inspire de planches projectives, soit il

improvise un rêve éveillé.

- L'autre partie du groupe, les « décodeurs »,

post it à la main, est chargée au fur et à mesure,

d'établir des connexions entre ces propositions

imaginaires et les contraintes du problème,

en élaborant des pistes d'idées encore vagues.

Cette production se fait par écrit, silencieusement.


Les pistes d'idées seront ensuite lues et enrichies l'ensemble du groupe.

On alterne les rôles afin que chacun puisse vivre les deux situation. Dans certains cas, on organise deux groupes de taille égale. Parfois on demande seulement à deux ou trois participants de projeter librement et le reste du groupe s'assoit autour et on pour fonctionne d'établir les connexions (voir photo).


2) Si vous travaillez à deux, ou en très petit groupe (la technique dite du balancier)

On cherche à établir des connexions en "balançant" physiquement et mentalement.

La technique du balancier est une procédure que j'ai mise au point avec mon collègue Stéphane Ely[15] dans le cadre des séminaires de Créativité à l'Université Paris Descartes.

C'est une technique particulièrement riche sur le plan des évocations projectives.


Essentiellement, dans la version la plus exigeante, il s'agit d'entraîner les participants à établir une connexion entre un dessin abstrait, (réalisé par exemple, par la technique de la peinture à doigts) et la formulation du problème avec ses contraintes.





La procédure est la suivante :

a) pour la fabrication du dessin : nous utilisons parfois la peinture à doigts (mais ce n'est pas indispensable).

Après avoir formulé le problème, on installe les participants face à la feuille blanche grand format et on leur propose de s'imprégner du problème, dans une posture de méditation.

Puis, le moment venu on leur propose de traduire leurs pensées en dessin abstraits: "avec vos mains, saisissez la peinture et convertissez vos rêves en traces graphiques, traduisez vos idées en dessin, à pleines mains"






L'objectif visé consiste à court-circuiter le langage et la pensée rationnelle et à traduire spontanément les intuitions.

Pour interpréter le dessin, l'exercice se pratique à trois (voir photo): le participant est imprégné du problème. A sa gauche se trouve placé le dessin, à sa droite les mots-clefs du problème qu’il

doit résoudre.

L’animateur s’installe derrière lui, pose ses mains sur ses épaules et l’aide à instaurer un balancement entre ces deux pôles.

On l’invite à verbaliser son imaginaire, puis par une légère pression à « balancer »vers les contraintes", puis à nouveau "à repartir vers l’imaginaire", et ainsi de suite. On recommence ce balancement alternatif autant de fois que nécessaire : le balancement du corps accompagne le balancement de l’esprit.

Un(e) scripte note les idées ébauchées que l'on approfondira ensuite.


3) connexions par empathie, sur identification

(Voir le détail de cette technique dans la fiche "techniques oniriques")

On peut faire plusieurs identifications à la suite, sur différents éléments du problème.


4) connexions à partir de stimulation sensorielles :

nous les développerons dans le texte : "méthodes sensitives" développé plus loin sur notre site.


5) connexions sur analogies

Nous avons développé dans un document spécifique les techniques analogiques. Voir sur notre site la rubrique "méthodes analogiques".



c) Si vous êtes seuls

Il y a différentes manières de travailler seuls.

(Nous les avons développé dans un livre : "99 idées pour trouver des idées tout seul,

à deux ou à plusieurs" (Guy Aznar, Anne Bléas. Eyrolles. 2018). voir infra).

On peut être seul, dans la solitude de sa maison, avec l'imagination qui se reflète sur les murs de la pièce, de la maison ou du bureau; on peut être seul au milieu d'un groupe, où après des moments de partage, de mise en commun des énergies, on a choisi d'explorer tout seul une piste de création que l'on partagera plus tard avec les autres.


La solitude au sein d'un groupe.

a) la sélection créative :

Au cours de séquences de connexions que nous avons décrites plus haut, le groupe a produit une quantité de pistes créatives. Ce ne sont pas des idées finies mais des stimulations, des intuitions pour lesquelles on s'est dit "je sens qu'il y a quelque chose là-dessous". On a noirci des post-it, on les a collés sur le mur. Il pourra s’agir également, de dessins affichés au mur, de bribes de rêves éveillés dont on a gardé les mots-clés, d’une brassée de propositions folles élaborées pendant une phase de divergence considérées comme des pistes stimulantes, des intuitions qui vous ont effleurées tout à l’heure.

Il y a différentes manières d'exploiter et d'enrichir ce matériel que nous avons développées avec Stéphane Ely[16].

L'une des manières consiste à regrouper ces éléments en "ensembles" que l'on désigne souvent par l'expression anglaise de "clusters". Familièrement on dit aussi que l'on fait des "patates".

On regroupe, on fait des "tas", suivant différents critères .


L'autre solution consiste à laisser une place à l'intuition individuelle.


Chaque participant se déplace devant ce mur de stimulations et on laisse chacun repérer ce qui pour lui éveille un écho,

lui donne envie d'aller plus loin.

Il sélectionne ses intuitions. Plus tard il

la développera, puis il la mettra en

commun pour retrouver la force dynamique du groupe.

Le repérage des propositions utiles dans

une démarche « sensible » ne consiste pas à sélectionneren faisant des croix, en mettant un rond de couleur mais en repérant à l’intuition de nouveaux ensembles, de nouvelles filières d’idées.


On distingue les regroupements intuitifs et les regroupements sensibles.

Les regroupements intuitifs

Lorsque l’on travaille avec une posture sensible, l’animateur invite plutôt les participants à faire intuitivement des liens entre les Post-it (ils ne les déplacent pas, mais les associent mentalement, s’en laissent inspirer). Pour cela, chaque participant a un carnet où, tel un enquêteur, en silence et individuellement, il va laisser apparaître, émerger, des pistes de solutions. Il pratique une forme de « cueillette sensible » dans le champ des idées, il « bricole » pour reprendre l’image de Lévy-Strauss. Il ne s’agit pas de recherche un thème trop tôt mais de vagabonder dans la quantité pour laisser émerger des solutions. Cette approche individuelle demande aux participants une certaine fluidité afin de ne pas opérer par un classement logique mais d’accepter ce « bricolage » devant la matière créative.


L’enrichissement sensible

Il s’agit cette fois d’enrichir les thèmes, leur donner de la chair, de l’épaisseur, à la fois dans une description rationnelle, mais aussi et surtout à travers une description imaginaire et émotionnelle. En groupes restreints de trois ou quatre personnes, on associe en langage imaginaire , sans post-it, pour enrichir le cluster. L’enrichissement consiste à raconter ce que l’on voit de la solution plus que ce que l’on en comprend, mais aussi à utiliser des métaphores, des analogies, des visuels pour partager une vision commune du cluster.


b) L'affut

Il s'agit d'effectuer une connexion en différé quand on peut, dans un premier temps, enregistrer la séance sur un support numérique (sur le téléphone par exemple).

On laisse le groupe divaguer, flotter. Ensuite, le groupe ré-écoute les yeux fermés la séquence divergente, chacun est "à l'affut" d'une idée naissante. A un moment donné, imprégné du sujet et inspiré par l'écoute, soudain un participant interrompt l'enregistrement et crie : "arrêtez je sens une piste" : Aussitôt, tout le monde associe. C'est une pratique tombée en désuétude, parce qu'elle prend plus de temps... Nous l'utilisions au début des premières expériences de la créativité, remplacée par l'usage du post it, décrite ci-dessus. Elle est très riche.

C’est une méthode qui a été initiée par G.M. Prince, l’un des fondateurs de la Synectique et longtemps pratiquée à Synapse, première société française de créativité.


c) La solitude chez soi, sans lien avec un groupe.

Le groupe de créativité (formé, entraîné) constitue un outil incomparable, unique,


exceptionnel, c'est un bouillon magique d'où jaillissent d'innombrables idées. Mais on ne passe pas sa vie entière en groupe… Il se trouve que dans d'innombrables circonstances de la vie quotidienne on rencontre des problèmes, professionnels ou personnels qui appellent une réponse créative : "On cherche une idée", d'urgence, et parfois on est seul ! Seul on en groupe, cherchez des idées tout le temps. Cherchez des idées sans fin, toute la journée. Cherchez des idées le matin, le soir, la nuit (surtout la nuit pendant les bienheureuses insomnies), en voyage, pendant les moments d'attente (par exemple dans les aéroports où vous n'avez vraiment rien à faire), sur la route où vous voyez défiler les kilomètres, prisonnier des vitesses limitées, en train, bercé par la houle du voyage où vous regardez les paysages qui se ressemblent et les nuages immobiles.

Cherchez des idées pour rien, sans but, pour le plaisir, pour cette légère excitation du cerveau droit ou gauche (au choix), genre de méditation active, jeu de société solitaire, où vous serez gagnant à tous les coups, jeu de devinettes où vous retrouverez vos jeux d'enfant.

Cherchez des idées pour être vivant, sans cesse, parce que l'imagination c'est la vie.

Pour un créateur individuel, c'est le moment où son esprit flotte, où il tourne en rond comme un lion en cage, ferme les yeux, à moitié dans l’imprégnation de son sujet à moitié à l’affût de pistes qu’il suivra tout à l’heure en s’élançant brusquement parce qu’il aura senti un indice.

Le mot « éloignement » suggère d’aller loin, de rompre les amarres, de perdre pied, de s’élancer vers ces territoires mal connus, de se laisser aller comme dans ces états de rêverie où les images défilent malgré nous, où les mots ricochent l’un sur l’autre, où la pensée flâne et divague .

Pour transformer ces images : après avoir écrit sur une feuille la formulation de l'objectif ("je cherche des idées pour…"), comme on dit dans les recettes de cuisine : "réservez", c'est-à-dire laissez l'objectif de côté, affichez-le sur le mur puis oubliez-le. En tenant à la main l'enregistreur numérique de votre Smartphone laissez-vous guider par votre imagination et divergez

Marquez un temps d'arrêt. Puis réécoutez votre production divergente, le doigt sur le bouton "stop". Cherchez à établir une connexion entre la production "éloignée" et la formulation. Dés que vous sentez une "vague ébauche d'idée" : stoppez et notez.


Parce que la production d'idées "en solitaire" est une source importante de créativité, complémentaire de la production d'idées en groupe, j'ai publié avec une collègue un livre consacré spécifiquement à cette démarche :






Guy Aznar, Anne Bléas : "99 idées pour trouver

des idées tout seul (à deux ou à plusieurs)".

Eyrolles. 2018



[1] Théodule Ribot. L'imagination créatrice. L'harmatan. 1905. [2] Par parenthèse, quel dommage que nous n'ayons gardé ce terme pour décrire notre activité au lieu d'utiliser le néologisme anglophone imprécis de "créativité". Au lieu d'être " conseils en créativité", "consultants en créativité" organisant des "séminaires de créativité" nous aurions dit d'une manière plus exacte que nous étions des "consultants en imagination créatrice" ! [3] Le "croisement" : c'est une expression que j'ai utilisée pour décrire le processus de connexions dans le livre : "Guy Aznar. La créativité dans l'entreprise". Les éditions d'Organisation (devenues Eyrolles). 1971. [4] Arthur Koestler."Le cri d'Archimède" Calmann Levy . 1960 [5] Edgar Morin, « Le complexus », La Complexité, vertiges et promesses, éditions Le Pommier, 2006. [6] Roland Moreno. Inventeur de la carte à puce. Postface du livre de Guy Aznar. « Idées » Editions d’Organisation. 2006 [7] Graham Wallas. "The art of thought" Harcourt Brace & cie. N.Y. 1926. [8] Anton Ehrenzweig. L'ordre caché de l'Art. Gallimard. 1974 [9] Winnicott. Les objets transitionnels, Payot, 2010. On doit à Winnicott des découvertes telles que l'espace transitionnel, espace potentiel, paradoxal, ni intérieur ni extérieur, situé entre le bébé et sa mère. C'est là que se développerait à la fois l'aire de jeu et l'espace de la créativité où l'enfant se voit offrir la possibilité de faire des expériences fondamentales pour sa maturation psychique. [10] zone sensible : une expression créée avec Stéphane Ely, voir l'article sur notre site : creativite.info [11] Sparring-partner est un anglicisme utilisé pour désigner un partenaire d'entraînement dans certains sports, notamment dans le milieu de la boxe. Il s'agit d'un partenaire destiné à faire de l'opposition à un athlète ou champion en préparation de match. [12] Luc de Brabandère, Anne Mikolaczak. Le plaisir des idées. Dunod. 1994. [13] voir notre livre ; Guy Aznar Anne Bléas. 99 idées pour trouver des idées. Eyrolles 2018. [14] voir le livre : Guy Aznar, Stéphane Ely. "La posture sensible". Amazone. 2016 [15] Stéphane Ely. stephane@elycorp.com [16] cité page 9

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