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Dimanche

En français, le mot « dimanche » est un nom commun issu du latin dies dominicus ou « jour du Seigneur.

Dans la Bible, le livre de la Genèse raconte que Yahve, après avoir achevé l'Univers en six jours, se repose le septième jour.

En Europe, le dimanche est considéré comme un jour de repos.



C'est complexe !




Le Dimanche on passe chez le pâtissier chercher le gâteau du Dimanche que l'on tient avec précaution pour ne pas l'abîmer, emballé dans son carton blanc avec ses ficelles en papier de couleur rose ou bleu. Les dames dans la boutique ont mis leurs habits du Dimanche pour signifier que ce jour là n'est pas comme les autres.


Au milieu du jogging du Dimanche, vaguement essoufflé, on s'est assis sur un banc, un moment de solitude tranquille, où l'on contemple la semaine, l'année, et parfois plus.

On pense au temps qui passe et on détourne la tête, parce que l'on sait que penser au temps qui passe c'est penser à la mort et que, comme tous les occidentaux bien élevés, on n'en parle pas.

Vaguement ébranlé lorsque l'on apprend qu'un comédien que l'on aimait bien, un animateur de télé que l'on a toujours vu, a soudain disparu.


Ou bien sidérés, démâtés, désemparés, terrifiés, lorsque la mort touche un proche, une mère, une femme, un enfant, qui vous laisse sur le bord de la route en épave, marqué au fer de l'intérieur pour toujours, mais il est trop tard, on n'y était pas préparé.


Et on se retrouve devant l'épouvante du néant post mortem qui est la cause de toutes les croyances et de toutes les religions.

Concentré pour ne penser à rien sur le spectacle d'une fourmi qui court sur le banc, notre esprit s'égare dans une fascination pour la Nature, comme Pascal devant le spectacle du Ciron,[1] ce minuscule insecte presque invisible qui courait sur les feuilles de son cahier et qui était à son époque le plus petit être vivant connu, avant que nos microscopes électroniques n'aient repoussé les limites de la connaissance jusqu'aux virus qui nous préoccupent tant aujourd'hui mais qui, après tout, sont vivants comme tout le monde.


En regardant de temps à autre, les documentaires animaliers de qualité qui passent sur Arte on se dit souvent, "mais c'est pas croyable cette diversité", quelle histoire, tous ces animaux du plus petit au plus grand qui ont "inventé" des trucs invraisemblables pour se nourrir, pour se cacher, pour tuer les autres, pour ne pas être tué, pour s'accoupler, pour se fabriquer des parures superbes pour séduire et d'autres pour se cacher, pour disparaître dans les feuillages, pour remonter les rivières du bout du monde pour pondre au même endroit depuis trois mille ans, pour voler à travers les hémisphères guidés par les flux magnétiques que l'on ne soupçonne même pas, pour tisser des toiles presque invisibles, pour inventer des pièges, pour s'enterrer six mois quand il le faut, pour gratter les bonnes écorces et pas les mauvaises, pour faire des trous, creuser des cabanes, s'enterrer, s'envoler, et quoi d'autre?


Tout ce festival d'inventions extraordinaires, quand on regarde ça et que l'on est d'humeur un peu divagante sur les chemins de la philosophie de comptoir, surtout le Dimanche, on se dit c'est pas croyable, où ils ont été chercher tout ça?


Surtout le soir, je ne sais pas si cela vous est arrivé, allongé sur le dos sur l'herbe, par un nuit claire où vous êtes noyé dans les étoiles où, malgré vous, sachant que ça ne sert à rien, malgré vous, vous vous demandez : "mais d'où ça vient tout ça, mais où ça va?


D'où ça vient ? penser qu'un bonhomme barbu, un matin, a créé le ciel et la terre et qu'il s'est reposé le Dimanche, franchement on ricane.

On nous parle de big-bang mais on a beau tendre l'oreille, franchement on n'entend rien, rien de rien. Le commencement, c'est un concept théorique, ça nourrit pas son homme.


Et où ça va? c'est pareil. Dire que le soleil, un jour, il arrêtera d'exploser, dans je ne sais combien de milliards d'années, c'est tellement loin qu'on ne peut même pas le concevoir et qu'à ce stade ce n'est plus notre problème. Inventer comme Teilhard[2] que l'on va vers un point Oméga, c'est bien pour les films de science fiction, ça fait une belle fin en couleurs, mais pour nous, on ricane. Comme le disait un savant[3] dans un bouquin que j'avais lu quand j'étais en classe de philo, un processus de Fin "ne fonctionne pas en vertu de causes finales, ce qui le détermine c'est un programme dont la fin est prévue par le programme".


Mais qui a conçu le programme ? on ne sait pas, on tourne en rond.

Alors, on fait quoi?


Il ne nous reste que le bon sens d'Alice[4]:

"Mais alors, dit Alice, si le monde n'a absolument aucun sens, qui nous empêche d'en inventer un ?"


Précisément, pour le sens, j'ai déniché "un truc" auquel moi, je crois, qui s'appelle : "la complexité".

La complexité c'est un système d'organisation de la vie sur notre planète que mon "idole", Edgar Morin[5] n'a cessé de décrire tout au long de sa vie.

La complexité nous dit, que tout va du désordre complet vers l'ordre le plus achevé, en se complexifiant sans arrêt. Se "complexifier", ce n'est pas pareil "qu'évoluer". Quand nous considérons le fabuleux spectacle du bouillonnement de la vie depuis les amibes de la soupe primitive jusqu'aux développements de la science moderne on ne peut pas se contenter d'évoquer les processus de l'évolution par la sélection naturelle[6].

En fait, au cœur de cette prodigieuse transformation il y a "une mécanique", un processus, qui finalement produit sans cesse de la complexité, depuis l'intelligence des mollusques jusqu'à l'intelligence dite artificielle

Mais alors, dans votre fameuse lucidité du Dimanche matin, vous vous dites : "oui mais c'est quoi le truc" ? "quel est le donneur d'ordre de la mécanique?"


On tourne de plus en plus en rond, on n'en finit pas.


En fait, j'ai trouvé quelqu'un qui m'a expliqué d'où venait "le donneur d'ordre" et la réponse était simple : l'ordre il vient de nulle part, il se fabrique tout seul.


C'est un peu compliqué à comprendre, et pour vous dire la vérité je n'ai pas tout à fait compris, mais je vous raconte quand même.

Celui qui m'a expliqué ça, c'est un savant nommé Henri Atlan[7]. Je l'ai rencontré dans le temps à Berder, une petite île de Bretagne où nous avions l'habitude de nous retrouver une fois l'an pour des congrès écologiques (à l'époque où j'animais une association écologiste[8]) et où il nous avait rejoint. Pour ma part, j'ai été impressionné par sa lumière qui depuis éclaire mes pas. D'ailleurs, "à l'origine des idées que je développe, raconte Edgar Morin : "je trouve Henri Atlan"[9] qui a inventé le concept de "désordre organisateur".

De quoi s'agit-il?


Le point de départ, c'est le désordre extrême, c'est le chaos, le tumulte incohérent des grains de poussière qui volent dans un rayon de soleil, des particules de matière qui s'agitent dans la fumée, des gouttes d'eau qui tourbillonnent dans l'écume d'une vague, des atomes qui s'éclatent dans une explosion.


A un moment donné, tous ces atomes éclatés vont s'organiser et prendre une forme : "tout seul" !


C'est un mécanisme propre à l'organisation vivante qui explique qu'un nouvel ordre se construit spontanément avec du désordre, c'est l'idée du "hasard organisateur".[10]

Cela veut dire que dans un système "hyper complexe", (c'est à dire encore plus complexe que complexe), comme le sont tous les systèmes biologiques, cybernétiques, physiques, chimiques, etc., quand tout devient complètement "louf", "désordonné", incohérent, désorganisé, eh bien, à partir d'un certain moment, une nouvelle organisation apparait : un nouvel organismebiologique, un nouvelêtre vivant, un nouveau virus; une nouvelle organisation, sans volonté extérieure désignée :

cela "s'auto-organise", cela "vient-tout seul".


A un moment donné, "l'organisation interne d'un système augmente automatiquement sans être dirigée par une source extérieure ".

Voila le nouveau truc !

D'où ça vient? On ne sait pas et rien ne l'explique.

Et ne me demandez pas, en plus, à moi, de vous l'expliquer.


"La réponse" est que la Nature devient complexe "toute seule". Sans explications, sans Bon Dieu, sans gourou, c'est comme ça : point final (si je puis dire).

Conclusions :


Arrêtons, provisoirement de nous poser des questions sans fins, sur le pourquoi et le comment.

"L'homme n'est pas un empire", comme le dit mon ami Spinoza, "il est une partie de la Nature".


Il n'est plus temps de nous torturer les méninges pour savoir d'où ça vient, où ça va. Acceptons l'évidence qui est devant vos yeux : la complexité de la vie est là, on l'observe de notre fenêtre.

Il va être temps, (surtout le Dimanche) de nous préoccuper des conséquences que nous pouvons tirer de tout ça pour donner un sens à notre vie en utilisant l'espace de liberté dont nous disposons afin de réponde à la demande d'Alice.

Il ne s'agit pas de nous comporter en admirateurs béats de la Nature en lui mettant un N majuscule, ni de nier l'évidence du maelström en disant qu'il est "absurde", alors qu'il est également superbe.


Mais de nous dire : puisque la complexité est en marche (c'est un fait d'observation), il nous reste tout simplement de nous comporter en bons citoyens de base de la complexité en mouvement dont nous sommes l'un des composants puisque l'on est pris dans la spirale comme des poussières qui volent devant un maelstrom .



Devant cette immense usine où l'ordre et le désordre font leur tambouille depuis quelques millions d'années, dans l'espace-temps dont je dispose, la question est (ma chère Alice) :


"en quoi est-ce que je peux, moi, personnellement, dans la marge de liberté dont je dispose, contribuer à la bonne marche de la cohorte de la complexité dont je fais partie ?"




Comment ?

D'une part, me semble-t-il, en évitant de la détruire.

Ce qui détruit la complexité, c'est ce qui détruit la diversité des espèces par la production désordonnée de carbone empoisonné; c'est ce qui détruit la diversité des cultures par la recherche de l'uniformité; c'est ce qui détruit les espèces, animales d'une part et humaines d'autre part, par les génocides que l'on voit depuis la nuit des temps, depuis les expéditions des Croisés, celles de la Saint Barthélémy, d'Auschwitz, des Ouigours, des Indiens d'Amérique du Nord et du Sud, et j'en passe. Ce qui détruit la complexité, c'est ce qui coupe des arbres, ce qui brûle l'Amazonie; ce qui pollue le monde et les océans; ce qui consomme tout et ne produit rien, ni salades, ni idées, ni musique, ni logiciel, ni abricots, ni méditations; c'est ce qui fait la guerre, ce qui sème des graines de violence.


Ce qui ne détruit pas la complexité mais au contraire s'associe à son mouvement, c'est ce qui conduit à donner la vie à un enfant, qui donnera la vie à un enfant, qui aura un enfant où se trouveront peut-être Einstein ou Mozart; c'est ce qui conduit à créer une entreprise, géante ou artisanale, qui va produire des briques élémentaires de l'ensemble où je vis et me permettre de travailler la réalité; ce qui conduit à inventer, à créer des idées, des concepts, des objets, qui un jour roulent ou volent ou chantent; ce qui fait métier d'apprendre, de transmettre, de chercher; ce qui conduit à planter un arbre, une fleur, ou des poireaux; ce qui conduit à écrire un livre, ou une chanson, ou un poème, ou le texte d'un rap; à dessiner un tableau ou un graffiti sur un mur, qui contribuent à augmenter la complexité de l'information; et j'en passe.


Tout cela et tout le reste, qui m'incite à réciter mon credo du Dimanche (qui est peut-être, universel) et qui s'énonce:


Notre complexité, qui êtes devant nos yeux,

que votre règne arrive,

que votre volonté soit faite,

sur la terre comme au cosmos.

Ne nous laisse pas succomber à la tentation de la destruction,

délivre du Mal de la violence,

et sur la douceur d'un sein

laisse poser ma tête,

toute sonore encore

de vos derniers baisers,

laisse-la s'apaiser de la bonne tempête,

et que je dorme un peu

puisque vous reposez.


Et ensuite, on pourra faire "la grasse matinée" tranquille, après tout, c'est Dimanche

[1] "Tout ce monde visible n'est qu'un trait imperceptible dans l'ample sein de la nature…. Qu'un ciron lui offre dans la petitesse de son corps des parties incomparablement plus petites…il pensera peut-être que c'est là l'extrême petitesse de la nature. Je veux lui faire voir là dedans un abîme nouveau"… Blaise Pascal. Les Pensées. [2] Teilhard de Chardin. Le phénomène humain. 1955. Réédition livre de poche 2007. [3] Jacques Monod. Le hasard et la nécessité. Le Seuil. 1970 [4] Lewis Caroll. Alice au pays des merveilles. 1ère édition 1895. Editions Mac Milan [5] Edgar Morin. La Méthode. la Nature de la Nature. le Seuil Points.1977 [6] "On est loin de l'idée linéaire du "progrès qui est en fait un obscurantisme"…Le progrès nait d'une série de régressions et de progressions permanentes, il est lié dans un corps à corps avec son contraire… il se développe comme un remous, un tourbillon"…Edgar Morin. La méthode. la Nature de la Nature. Le Seuil. collection Points. 1977. [7] Henri Atlan. Entre le cristal et la fumée. Le Seuil. 1979 [8] j'ai été pendant quatre ans Président de l'association "les Amis de la Terre". [9] Edgar Morin. La Nature de la Nature. Le Seuil. Collection Points. 1977. Page28.. Edgar Morin. Le paradigme perdu : la nature humaine. Le Seuil. 1973. [10] développé par Atlan et toute une équipe de chercheurs, à partir de 1970. Notamment, Von Foerster, N. Wiener, W.R. Ashby, J Von Neumann, I Prigogine, etc. (bibliographie dans Atlan op cité)

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