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Photo du rédacteurGuy Aznar

Faire des projets



Toute ma vie j'ai fait des projets, certains restés dans les nuages, d'autres qui ont aboutis… Durant le confinement, il m'est venue l'envie d'en faire la liste (j'en ai pas mal oubliés…). Certains que vous connaissez, d'autres un peu, d'autres sans doute pas du tout…

Faire des projets, dessiner des chimères,

naviguer dans le temps sur une barque éphémère

au flair, au vent, au pif, sans un point de repère

suivre son intuition, sans demander pourquoi

Tout ça parce qu'un matin, nez au vent, à la fraiche,

l'idée t'a traversé d'un projet surprenant

comme un coup de folie, un flash, une intuition

elle suspend ta marche et te retourne net

vite faut la noter, c'est génial, je la sens

Ton idée c'est super et c'est original

faudrait la déposer, on verra ça plus tard

d'autres ont eu la même, mais pas pareil

pas de la même manière, c'est nouveau

on n'a jamais vu ça, c'est même surprenant

Parfois en pleine nuit, allongé sur le dos

le sommeil ne vient pas, alors la nuit on rêve,

on tourne, on se retourne et on délire un peu

le projets de la nuit, se forment et se déforment

souvent naissent en Espagne les rois et les châteaux

faisant comme Perette courant après son pot

Les projets de la nuit c'est immense, héroïque,

y'a des villes lumineuses qui flottent sur le vent

dés qu'on tourne la tête les murs grattent le ciel,

on traverse les mers et les foules se pressent

pour acclamer, offertes, des filles bras en fleurs

Les projets du matin on bâtit, on calcule,

on spécule, on simule, on annule, on bascule,

bref, on réfléchit sec, c'est un château de cartes,

avec des bouts de bois, on monte, on échafaude

il tombe, on recommence, on le fait autrement

Faudrait créer un truc en simple commandite,

non une association, ou bien une holding

ou bien juste un accord signé entre associés,

faut en parler à Pierre, à Théo, à Marlène

faut remuer le réseau mais faut pas l'ébruiter

Pour commencer faut vendre ou bien hypothéquer

faire les fonds de tiroir ou te mettre à mi-temps

demander aux parents, aller voir une banque,

faut pas grand-chose, à peine six mois, un an,

même pas peur, croise les doigts, on va y arriver

A peine imaginé qu'on fait le business plan,

déjà on devient riche, déjà on devient grand

on monte des succursales, on gère les filiales

une start-up ça va vite, va falloir embaucher

faudra louer des bureaux ou même une boutique

Peu à peu, le projet t'envahit, il t'habite,

il repousse les murs, s'installe dans le salon

mange à ta table, s'installe comme chez lui,

nourri, couché, blanchi et même dans ton lit

il s'endort avec toi, tu deviens le projet.

Tu l'vois un peu grossir en neuf mois, en neuf ans,

et même parfois plus, et même toute une vie.

Il donne sens à ta vie, il devient ta boussole,

il t'oblige à courir, penser, donner, attendre,

espérer, croire, oser, inviter, partager, prendre

L'un est un projet secret, partagé en cachette

que tu n'as pas osé afficher en vedette

parce que tu n'était pas sûr de toi, hésitant,

tu n'as pas eu le temps et ils n'ont pas compris

ils l'ont pas voulu, dédaigné et pas pris

et tu le portes en toi comme le deuil d'un enfant

L'autre est un projet qui roule, fier de lui triomphant

pas comme tu le pensais exactement, mais autrement,

il roule des mécaniques, en costard cravaté

tu l'reconnais à peine, mais t'es quand même content

et tu clignes des yeux quand tu passes devant

Mais enfin c'est quoi ton projet ? dis-nous, raconte :

C'est un genre de maison, comme on n'en a jamais vue,

qui tourne avec le vent et une pièce jardin,

une maison qu'est presque une vraie cathédrale

en verre, sous des verrières où poussent des magnolias

avec des fleurs géantes qu'ont trois mètres de haut,

des escaliers qui montent tournant vers les nuages;

c'est un nouveau roman mais pas comme les autres

qui vous tient en haleine, réédité en poche,

traduit en mandarin, en slovaque, en roumain

avec des personnages qui parlent avec les mains

que t'a écrit au moins une douzaine de fois

c'est un truc juridique qui changerait les vies,

un concept comme ils disent, qui s'inscrit en latin,

qui changerait l'Etat et la Constitution

pour refaire le monde et on n'y comprend rien

c'est un moyen de transport pratique dans les villes

une auto qu'on partage, qui roule avec le vent,

des vélos verts ou blancs qu'on prête à son voisin

des trottoirs électriques qui vont jusqu'à la mer

c'est d'immenses jardins à la place des trains

A l'endroit où la gare se tournait vers le Nord

ils ont planté des foins par-dessus le triage

et les ampélopsis grimpent sur les caténaires

une source d'énergie qu'on a encore jamais vue

comme autrefois en Chine dans les vieilles maisons

ou un souffle qui gonfle les bulles de savon

et qui deviennent ensuite, dans les champs, des moulins

C'est un autre moyen de distribuer les livres

sauver les librairies, les auteurs, la culture

en remontant en bande les courants ascendants

pour suivre l'Orénoque au lieu de l'Amazone;

C'est un genre de poème qui tournerait en rond,

il n'aurait pas de rimes, douze pieds, quatre mains,

des ailes d'oiseaux blancs qui suivent les navires

des moments de silence enchâssés dans les mots

C'est un refrain qui traîne ou l'air d'une chanson

qui parlerait au gens de leur adolescence

et tournerait en rond au rythme d'un vinyle

puis deviendrait un tube, disque d'or, une icône

C'est un arbre à projets en tubes métalliques

qu'on a dressé un jour aux champs de la Villette

avec plein de drapeaux aux couleurs écolos

et des accros branchés qui grimpent vers le ciel

C'est l'idée un peu folle de devenir député,

élu des citoyens place de la bastille,

on a glissé des tracts dans mille boîtes aux lettres

et serré mille mains en arpentant les rues

et serré des copains dans le chaud des cafés

C'est une nouvelle route qui longe les rivières,

redouble les canaux, près des ponts suspendus,

qu'on parcourt à vélo, en cheval en péniche

avec de vieilles barques chargées par les enfants

C'est un truc d'utopiste qui travaille pour vous

et permet de travailler moins, quand on veut, où on veut

grâce à un algorithme de savant magicien

qui fait jaillir des sources et trompe les horloges.

C'est une plantation avec des hévéas,

autour d'étangs immenses peuplés de tilapias

où se dressent des feux le soir pour voir brûler

des chênes circulaires qui gardent le passé,

C'est une immense grange qui s'étend sur trente ares

avec des comédiens qui racontent la vie,

des voyageurs qui chantent déjà leurs nuit de noces

et marient les enfants des enfants des enfants

C'est genre de vêtement qui couvrirait les corps

où l'on pourrait voir à travers, l'œil pourrait s'y glisser

et on câlinerait dans la tiède tendresse,

des femmes en longue robe, rouge sombre, en velours;

C'est un champ de statues, jaillies un soir de Pâques

dressées sur le rivage pour orienter la route

d'explorateurs perdus dans l'hyper espace-temps

et qui reviennent un jour le temps d'un souvenir

Qu'il soit vivant ou mort, le projet vit en toi,

c'est une vibration nichée dans ta poitrine,

une architecture secrète de ton corps, de ta marche,

qui te maintient debout, porté par tes projets,

Les êtres sans projets sont comme des fantômes,

des bonhommes de neige qui fondent à l'équinoxe,

des bonhommes de sable dissous à la marée,

des bonhommes de cendres qui se dispersent au vent

jetées dans l'urne noire, un matin de Novembre

Les porteurs de projets laissent des traces écrites

sur les parois du monde, que les archéologues

trouvent ensuite à tâtons, en retenant leur souffle

pour ré écrire interminablement la même histoire,

que des enfants apprennent, le soir en dessinant

Quand les porteurs s'en vont on murmure à mi voix :

il n'était pas méchant, il aimait les oiseaux,

et il nous a laissé quantité de projets,

pas tous réalisés mais certains aboutis,

et d'autres pas du tout, terminés à moitié,

ou bien repris par d'autres, à peine publiés.

Certains en étaient à l'ébauche, d'autres ont été copiés,

au fond de ses tiroirs des milliers y dormaient,

demeurés manuscrits et certains en sanscrit

Ce n'est pas grave s'il en reste, servez-vous

c'est gratuit, c'est offert, y'en a à profusion

tendez vos tablier, profitez des récoltes, régalez-vous

ça peut toujours servir, quand vous aurez du temps

semez-les, arrosez, ça peut devenir grand.

Demain venez-me voir, on va lancer ensemble :

le prochain.

guy aznar. 27 05 2020

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